Paul Doré est pasteur de l’Eglise Réformée à Jouy-en-Josas, Viroflay, Vélizy, Chaville.
Quand il m’a été demandé de témoigner sur le thème de la liberté de conscience dans l’exercice de mon ministère, j’ai tout d’abord pensé que cette question était étrange, qu’elle m’était un peu étrangère, voire exotique. Dans un premier temps j’ai pensé que la question de la liberté de conscience se posait ailleurs mais pas à moi, tant j’avais l’impression d’être libre dans mon ministère. Et puis chemin faisant se sont allumées dans mon esprit quelques clignotants qui sont sans doute autant de signaux d’alerte.
Le premier est la réponse d’un maire à qui un groupe œcuménique avait fait part de son intention de participer au marché de Noël organisé dans sa ville pour y faire des animations et vendre des livres pour enfants et des calendriers de l’avent. Il nous répond :
« Cette manifestation [le marché de Noël] est strictement commerciale et à l’instar de ce qui est exigé des autres participants, vous voudrez bien limiter vos interventions à la vente de livres et CD non religieux et à des animations pour Noël. Je n’ignore pas le caractère religieux de Noël, mais je ne peux porter atteinte à la notion de neutralité des actions et projets conduits par la ville… » C’est ainsi que le groupe œcuménique a tenu un stand de librairie avec un fonds de livres prêtés par deux librairies (œcuménisme oblige !) et qu’il a vendu des calendriers de l’avent, des Bibles, des livres inspirés de la Bible, des CD de chants de Noël, le tout à caractère non religieux évidemment!
Le deuxième clignotant concernant la liberté de conscience pourrait être inspiré par la pression qu’exerce sur tout un chacun la culture de la réussite et de la performance dans laquelle nous vivons, Eglises comprises. Les ministres ont une obligation : il nous faut remplir les temples ! Ainsi nous pourrions imaginer le dialogue suivant entre deux pasteurs de l’ERF aujourd’hui ou peut-être dans quelques années :
- Tu prêches encore sur Paul toi ?
- Non j’ai complètement arrêté ! Les paroissiens n’y comprennent rien. C’est bien trop compliqué !
- C’est bien ce que j’ai remarqué. Paul vide les temples. C’est une “cata” !
- Ce qui marche ce sont les paraboles ou les récits de guérison !
- Oui, oui… très bon les récits de guérison. C’est simple et ça plait.
- Si nous voulons continuer, il nous faut des trucs qui marchent et qui créent une bonne atmosphère…
Ce petit dialogue pourrait illustrer la pression de la performance qui s’exerce sur les épaules du prédicateur. Quand le serviteur de la parole se fait séducteur.
Reprenant la question de la liberté de conscience à la lumière de ces deux anecdotes, je parlerais plus volontiers pour moi de conscience de la liberté. En tant que pasteur, je ne me situe pas comme défenseur ou partisan de la liberté de conscience, mais j’ai constamment conscience de la liberté que me donne le ministère et qui me permets de réagir quand cette liberté est limitée. La liberté dont j’ai conscience c’est la liberté du Chrétien donnée par Dieu en Christ. Et pour moi qui ai vécu 20 ans en entreprise auparavant, je peux vous dire que cette liberté en Christ elle est précieuse !
Je voudrais conclure à partir des premiers mots de l’épître de Paul aux Romains : « Paul, serviteur de Jésus Christ, appelé à être apôtre, mis à part pour annoncer l’Evangile de Dieu ». Ma liberté de chrétien trouve sa source dans ce « mis à part pour annoncer l’Evangile de Dieu ». Sa limite (mais peut-être aussi sa source) est dans la soumission du serviteur.