A qui appartient le temps ? A Dieu, ont répondu nos grands anciens. Avec une conséquence inattendue. Si le futur appartient à Dieu, on ne peut anticiper sur ce qu’il sera. Et donc, le prêt à intérêt, qui justement anticipe le futur, est interdit. Et de préciser aussitôt une frontière physique : les limites du peuple élu. Interdit dedans, autorisé dehors. On peut lire la lourde et longue histoire d’Israël et de l’Eglise et de leurs relations séculaires, avec le révélateur du rapport à l’argent.
A nous, avons-nous répondu. « En 1545, un gentilhomme bressan, Claude de Sachin, interroge par lettre Calvin sur la légitimité du prêt à intérêt. La réponse de Calvin fut biblique. L'Écriture sainte n'interdit pas le prêt à intérêt, mais bien plutôt le mauvais usage qui en serait fait pour opprimer les pauvres. On peut donc le pratiquer dans la justice et dans la charité » (André Dumas). Calvin lève le vieil interdit. Mais il lui fixe une nouvelle frontière, cette fois morale. On peut lire l’histoire de notre modernité, et aussi l’histoire de notre protestantisme, dans ce nouveau rapport à l’argent qui a changé notre civilisation pour le meilleur et le pire.
A moi, vient de répondre un trader, révélant des pratiques financières nouvelles et déjà bien en place, ou un seul enrichit ou appauvrit le monde tout entier. Le temps long de l’histoire séculaire d’un peuple de croyants, le temps plus court d’une aventure industrielle de quelques générations d’entrepreneurs hardis, se raccourcit à quelques clics d’une souris d’ordinateur. Et c’est ainsi que se remarque le changement d’une civilisation.
Alors : à qui appartient le temps ? C’est bien une question théologique. Elle est redevenue chaude. Et c’est à nous, les pasteurs lecteurs passionnés d’une vieille Ecriture, d’esquisser de nouvelles réponses, car nous savons que toutes les questions d’aujourd’hui, toutes, ont leurs réponses dans notre rapport théologique au temps et à l’argent. Ce sont « les dessous des sous ».
Et vous avez jeté un œil sur vos agendas ? Le week-end où nous nous rassemblons pour en parler est le plus chargé de ce temps de l’année car le seul « libre » pour toutes sortes de réunions et d’assemblées où nous sommes convoqués. A chacun de peser l’essentiel, avec ce révélateur qu’est l’argent et ce qu’il fait subir à notre temps.
Bon courage, mes sœurs et mes frères, sous le regard aimant de celui qui demeure, nous ne percevons plus très bien comment, le maître de notre temps et de notre argent,