Laza NOMENJANAHARY, pasteur de l’Eglise Evangélique Luthérienne de France, est chargé des paroisses « La Résurrection » (Paris 15ème) et « Saint-Luc de Vanves » ainsi que de l’aumônerie à l’Hôpital Sainte-Anne, Paris.
Dans l’exercice de notre ministère pastoral, nous sommes souvent confrontés à des situations où ce n’est pas la règle commune de l’Église qui peut nous aider à trouver la juste décision ou attitude à prendre. Sollicitée dans sa liberté, notre conscience nous dicte alors un choix, qui pourrait, de l’extérieur, apparaître en contradiction avec les usages et les réponses convenues et ordinaires.
Je voudrais en témoigner, comme vous me l’avez demandé, dans le cadre particulier de l’aumônerie de l’Hôpital psychiatrique et neurochirurgical Sainte-Anne (Paris 14ème). Vous savez, ou vous imaginez sans peine, que la population que nous y rencontrons n’est pas celle de nos communautés paroissiales. Les malades, qui ne sont pas forcément protestants, se font toujours une représentation du pasteur qui correspond à l’image classique du prêtre. Beaucoup, donc, réclame du pasteur ce qu’ils devraient, en fait, attendre d’un prêtre.
Mais leur fragilité ou leur limite les empêche de distinguer une quelconque différence dans la pratique du ministère, prêtre ou pasteur, et nous apparaissons ainsi comme les représentants du religieux. Et plus largement, par ceux qui ont un enracinement catholique, avec ou sans connivences précises, nous apparaissons comme les figures traditionnelles de Église romaine et des rites qu’elle accomplit.
Ma conscience se trouve par conséquent devant ce choix : dois-je expliciter la différence et refuser le secours de la religion à la personne qui l’espère, ou bien consentir à jouer le rôle attendu et pratiquer ce qui n’est pas de ma tradition, piété ou théologie ? La plupart du temps, je choisis d’obtempérer à l’attente du malade, car il serait inutile et sans fruit de s’opposer sous le prétexte d’une identité protestante.
Il m’arrive donc d’écouter une confession et de donner l’absolution - il est vrai cependant que cela se vit aussi dans le luthéranisme et que je ne trompe personne sur cette réalité puisque je fais usage des formules de Église luthérienne -. Mais le patient-croyant qui reçoit cette absolution ne perçoit pas (ou ne veut pas percevoir) qu’il n’était pas en présence d’un prêtre catholique. Pour lui, son attente a été entendue et comblée et c’est ce qui lui semble le plus important.
Souvent aussi, il me faut prier avec les mots du « je vous salue Marie », dans lesquels, vous vous en doutez, je ne peux pas me retrouver. Pour moi, donc, en conscience, je ne prie pas cette prière, mais j’accompagne celui ou celle qui la prie. Intérieurement, - et sans jugement -, je m’associe à la démarche en priant autrement et ne conteste pas ouvertement la prière récitée pas la personne catholique.
Ce sont deux simples exemples, qui révèlent à mon sens, la priorité de l’enjeu : être présent chrétiennement à (devant) la souffrance et à la prière de l’autre, et garder la liberté d’appréciation de la conscience. Ce faisant, ma conscience, précisément, ne renie en rien l’appartenance à un protestantisme de conviction. Ni l’exercice de mon ministère - pasteur luthérien - ni mon être personnel, avec ses convictions et son désir d’y demeurer fidèle, n’en sont bouleversés. C’est une façon de décliner la parole de l’Apôtre Paul qui disait vouloir se faire tout à tous, sans renoncer à quoi que ce soit du message qu’il devait transmettre, amis en l’adaptant à ceux vers qui il le destinait.
Rien, en tout cas, en pareilles circonstances d’aumônerie, ne devrait être l’application d’un règlement ou d’une discipline. Il faut faire se rencontrer et la conscience libre et paisible du pasteur et la situation spirituelle de chacun des malades. Il me semble même que c’est une façon de faire, bien conforme à l’esprit du protestantisme.