GABEL Charles : Aux rendez-vous de Dieu.
Le parcours peu banal d’un couple pastoral en Europe, en Afrique et en Israël.
Le Vigan, 2008, Edité à compte d’auteur, 550 p, 23 €. Présenté par Evert VELDHUIZEN
Les mémoires de Charles Gabel décrivent un parcours mouvementé fait d’une succession effrénée de pérégrinations souvent agitées, parsemées d’innombrables rencontres. Ce pavé de 550 pages qui se lit presque comme un roman est en tout cas un précieux document historique. Malgré l’inévitable subjectivité d’une autobiographie abordant des sujets controversés, Charles Gabel tente de témoigner de manière aussi honnête et complète que possible. Tâche délicate accomplie avec une certaine verve...
Issu d’un milieu darbyste en Belgique, Charles est touché par le pentecôtisme et s’attache à l’Armée du Salut. Son père, de nationalité française, est secrétaire du Comte de Paris. Quand ce dernier se replie pendant la Guerre à Châteauroux, la famille Gabel l’y suit. Après sa scolarité, Charles s’engage dans la Marine nationale où il sert pendant quelques années comme secrétaire sur un navire. Prenant alors ses distances avec le monarchisme, le jeune homme sympathise avec le mouvement communiste qui lui paraît progressiste. Lors d’une promenade à Casablanca, il fait une expérience déterminante de conversion dans une librairie chrétienne. Il se marie avec Josiane sa cousine germaine et le couple aura quatre enfants auxquels s’ajoutent quatre autres adoptés. Charles quitte l’uniforme marin pour endosser celui de l’Armée du Salut. Après une formation d’une année à Paris, le couple est consacré et affecté en Belgique. Josiane travaille notamment à l’accueil de réfugiés hongrois.
L’Afrique les attire et les Gabel partent pour le Congo. Ils y travaillent dans le cadre d’une mission mennonite. En pleine situation de crise suite à l’indépendance aggravée par des révoltes, les Gabel se consacrent de toutes leurs forces à l’œuvre missionnaire, à l’enseignement et à la Croix Rouge. Josiane devient une responsable gradée de cette organisation. Au bout de quelques années intenses, ils rentrent épuisés en France. Déçu par les communistes et impressionné par le Général de Gaulle, Charles s’engage alors dans le mouvement gaulliste. Le couple exerce divers métiers en France et repart cette fois-ci pour le Tchad. Charles enseigne dans un collège évangélique et Josiane s’implique dans la Croix Rouge. Ils assistent de très près à un coup d’état. En tant que responsable de la Croix Rouge, Josiane se rend avec Charles dans le quartier gouvernemental pour soigner les blessés. Des tensions avec des confrères s’ajoutent à la fatigue et les Gabel se retirent à nouveau en Europe.
Les étapes précédentes étaient mouvementées, mais ce n’est pas encore fini. Car Charles est nommé aumônier militaire à Berlin. Cette fonction n’est pas ordinaire, car elle inclut la charge de l’aumônerie de la prison de Spandau, où se trouve le dernier des condamnés du Tribunal de Nuremberg, Rudolf Hess. Charles doit également assurer des liens avec les Eglises protestantes à Berlin-Est. Il traverse régulièrement le fameux « Checkpoint Charly ». La fonction d’aumônier auprès de Rudolf Hess marquera sa vie. Pour des raisons humanitaires, il s’implique dans des demandes de libération du vieux prisonnier et s’attire ainsi les foudres des soviétiques opposés et des alliés embarrassés. Il finira par être muté.
Charles et Josiane Gabel s’installent alors en Israël. Leur attachement à ce pays est à la fois sentimental et sincère. Le couple apprend l’hébreu, exerce quelques métiers et s’intègre petit à petit. Au contact d’autres francophones résidant ou passant dans le pays, ils fondent ce qui deviendra l’Eglise protestante de la langue française à Tel Aviv et à Jérusalem. Cette œuvre, financée au départ par un organisme protestant allemand, sera rattachée à la FPF et intégrée dans la CEEEFE. Josiane succède à Charles, qui occupe de nombreuses autres fonctions dans l’enseignement et dans la presse notamment.
Les chapitres relatant leurs expériences en Israël contiennent également des réflexions pertinentes sur la situation complexe du Proche-Orient. Sentimentalement très impliqué, Charles Gabel garde cependant sa lucidité d’esprit et prend une position chrétienne équilibrée sur la situation. Cela n’évite pourtant pas des oppositions à son action et à la présence du couple. L’âge de la retraite aidant, les Gabel rentrent de toute façon en France. Leur successeur est un pasteur des Assemblées de Dieu qui développe la communauté francophone par la suite. Charles Gabel a publié en 1988 un livre sur ses entretiens avec Rudolf Hess. Il y revient dans le dernier chapitre du présent ouvrage.
De ces mémoires se dégage le parcours hors de commun d’un couple qui aspire pourtant à être des plus communs qui soit…
Association des pasteurs de France