Magda et André Trocmé, figures de résistances.
Textes choisis et présentés par Pierre Boismorand. Paris, 2007, Les Editions du Cerf, Collection « L’histoire à vif », 384 p. 25,00 €. Présenté par Evert VELDHUIZEN ;
Né en 1901 dans une famille d’industriels protestants de Picardie, André Trocmé entame son ministère pastoral dans le Nord après son mariage avec la toscane Magda Grilli di Cortona, issue d’une famille aristocratique et cosmopolite. Ils se sont rencontrés aux Etats-Unis en 1926. André y effectuait des études de théologie et Magda y suivait une formation en action sociale. Le fait d’être tous deux orphelins de mère mes a-t-il rapprochés ? Les lignes relatant l’accident mortel de la mère d’André sont émouvantes. André le théologien et Magda la praticienne, c’est ainsi qu’ils forment une équipe engagée pour la liberté de conscience, pour la justice et la paix. Ils ne connaissent ni race ni nationalité, ne voyant que des semblables, et l’humanité dans son universalité. Leur pacifisme et leur combat pour la liberté de conscience sont respectés, mais rendent délicate leur nomination dans des paroisses réformées. Les pages portant sur les années passées à Maubeuge et à Sin-le-Noble décrivent les conditions matérielles médiocres dont les pasteurs en poste en milieu ouvrier devaient se contenter.
Les Trocmé en garderont cependant de bons souvenirs.
Arrive leur affectation au Chambon-sur-Lignon en 1934. Ils y restent jusqu’en 1948. Se souvenant de l’établissement scolaire qu’elle avait connu à Torre Pellice dans les Vallées vaudoises, Magda a l’idée de ce qui deviendra le Collège cévenol. La Guerre les lance dans l’accueil des réfugiés. Cette épopée fait l’objet de livres, de films, de colloques et de distinctions qui ont rendu les Trocmé célèbres dans le monde entier. Leurs convictions pacifistes sont non-conformistes au sein du protestantisme français. Mais ils seront des héros dont les protestants se félicitent aujourd’hui. Le film « La Colline aux mille enfants » a été diffusé plusieurs fois par la télévision nationale. Dans la situation qui s’impose à eux, les Trocmé choisissent l’engagement, l’accueil et l’aide. Ils ne s’estiment pas courageux ou héroïques, ils ont le sentiment de ne faire que leur devoir, celui que leur dicte leur conscience.
Après la Guerre, André et Magda se consacrent au Mouvement International de la Réconciliation (MIR). Ils voyagent dans le monde entier pour visiter des lieux de conflits, pour donner des conférences, pour plaider en faveur du dialogue au lieu de la violence et de la confiance au lieu de la peur. C’est l’époque de la Guerre froide, de la décolonisation, du combat pour les droits civiques. Ils rencontrent des leaders pacifistes en Inde comme aux Etats-Unis, en Allemagne comme en Italie. Cet engagement les occupe à plein temps de 1948 à 1960. André est alors nommé dans une paroisse à Genève et c’est là qu’il achève sa carrière. Il s’implique dans la crise algérienne, analysant la situation avec une remarquable lucidité. Le réalisme concret dont il fait preuve contraste avec l’idéalisme marquant certaines de ses théories. Ses théories et ses analyses ne plaisent pas aux belligérants. Le prophète qui s’attache inconditionnellement à la liberté de sa conscience et qui se veut radicalement cohérent n’est reconnu ni dans son pays natal, ni ailleurs.
Cependant, la réflexion théologique et l’engagement de Magda et André Trocmé ne laissent pas indifférent le lecteur de l’ouvrage - qui est un document précieux pour la mémoire du protestantisme français du 20ème siècle. C’est également le témoignage émouvant d’un ministère pastoral profondément évangélique, au sens propre du terme, et d’une implication dans le monde dont la naïveté est peut-être plus intelligente que l’on ne l’imagine…
Association des pasteurs de France