BEAULIEU François de : Mon père, Hitler et moi.
Rennes, 2008, Editions Ouest-France, Collection « Ecrits littéraires », 208 p, 18.
Présenté par Evert VELDHUIZEN.
Il se sent alors appelé à devenir pasteur et entame ses études de théologie en Allemagne qu’il achève au moment même où éclate la Seconde guerre mondiale. Appelé sous les drapeaux en 1939, il est affecté comme radiotélégraphiste au service d’espionnage de l’Etat-major des armées à Berlin. En désaccord avec le nazisme, il copie secrètement des documents classifiés et les fait diffuser. Découvert, il est arrêté et condamné à six mois de prison et affectation dans un bataillon disciplinaire. Sur le front russe il survit grâce notamment à sa fonction de radiotélégraphiste positionné en arrière des lignes du combat. Envoyé ensuite dans les Ardennes et en Hongrie, c’est en Autriche qu’il est capturé par les Américains. Il réussit à s’évader et s’installe à Paris où il est naturalisé français. Pendant quelques années il est chargé de la gestion des cimetières allemands en France. Il exerce plusieurs métiers à Paris jusqu’à son affectation en Moselle (ERAL). Marié, il a deux enfants. A sa retraite il se retire dans la maison familiale en Bretagne.
Plus qu’une simple biographie, l’ouvrage apporte une pierre au débat douloureux sur la réputation des vivants et des morts après le conflit mondial. Comment distinguer les Allemands qui résistaient individuellement de manière cachée et furent condamnés - comme c’est le cas de François-Charles de Beaulieu - de ceux qui obéissaient aux ordres sans conviction et de ceux qui obéissaient avec un zèle parfois monstrueux ? Lorsque le Chancelier Adenauer libère un nombre de criminels de guerre, les victimes se sentent blessées. Lorsque ceux qui ont résisté en contournant l’obéissance réclament reconnaissance, ils ne trouvent pas de réponse satisfaisante. François-Charles de Beaulieu sera pourtant réhabilité. Ce qui prouve que ce débat mérite d’être mené, tant qu’il y a des personnes qui n’ont pas encore obtenu la reconnaissance à laquelle elles ont droit.
L’ouvrage mérite notre attention parce qu’il traite de la vie et le parcours d’un confrère, mais aussi pour deux autres raisons. La première est d’ordre pastoral : les paroisses comptent des membres qui ont vécu des guerres et leurs enfants - comme nous-mêmes - ont été marqués par l’expérience de leurs parents. La seconde est d’ordre théologique : le message de l’Evangile ne doit pas passer à côté de la problématique évoquée dans cet ouvrage. Sans fournir de réponses toutes faites à ces questions complexes, il devrait quand-même inspirer la réflexion. Nous adressons l’expression de nos sentiments de sympathie à la famille du pasteur François-Charles de Beaulieu - en remerciant son fils d’avoir écrit ce bel ouvrage pertinent et instructif.
Il y a juste un an, le pasteur François-Charles de Beaulieu mourut à l’âge de 94 ans. Son fils François, écrivain prolifique, vient de publier une biographie remarquable. Il retrace la vie de son père de manière vivante grâce à un mélange de gravité délicatement dosée et d’humour tendrement hilarant. Si la retraite en terre bretonne fut paisible et le ministère exercé en Moselle sans histoires, il n’en fut pas ainsi de la première moitié de la vie de François-Charles de Beaulieu. Né à Brême dans le Nord de l’Allemagne, il devient orphelin de la Grande guerre. Sa famille d’origine cosmopolite dont les branches sont dispersées dans le monde entier compte bon nombre de militaires. Il grandit dans un milieu calviniste libéral marqué par la proximité des Pays-Bas. Il commence sa carrière en apprentissage dans une entreprise de négoce qui l’envoie dans sa succursale à Londres. Le jeune homme y fréquente la communauté allemande où il entend quelques discours de Dietrich Bonhoeffer.
Association des pasteurs de France