Pas facile pour les jeunes collègues et moins jeunes d'annoncer l'Evangile dans un monde ouvert à tous les vents, et dans une Eglise qui est devenue prestataire de services… Sorte d'institutionnalisation des Eglises qui voile leur vocation.
A partir d'un solide ancrage dans l'Evangile de Matthieu, et en particulier de la parabole du trésor trouvé dans un champ en Matthieu 13, où, « l'Evangile est une chance pour celui qui met tout en jeu pour cela », le professeur Luz évolue vers le modèle ecclésiologie de l'Evangile de Matthieu qui est « suivance » du Christ. Elle implique l'entrée dans un contre-modèle du monde. La mise en œuvre d'une vocation qui doit refléter les marques de l'Eglise. L'Eglise n'est autre que sa pratique jusque la guérison des malades et l'opposition aux démons.
Nos Eglises européennes sont-elles reconnaissables en ceci ? Peut-être pas suffisamment et pourtant, là où deux ou trois sont réunis au nom de Jésus le Christ, L'Eglise où quelle soit est communion et attention aux plus petits. En pays vaudois, c'est comme un appel à vivre ces paroles du célèbre théologien Paulo Ricca, « Jésus n'a pas seulement raconté des paraboles, il les a suscitées ».
Alors que l'un évoquait une certaine « Utopie de l'unicité » dans une Europe où les Eglises sont à la traîne, l'autre, le professeur Ionita Viorel (de la Commission Eglises en dialogue de la KEK - Conférence des Eglises Européennes) est interrogé sur l'impatience d'un œcuménisme effectif et sur la nuance entre prosélytisme et Evangélisation. Ce dernier invite à la prudence. Beaucoup de baptisés sont dans la nature aujourd'hui. La cohabitation des Eglises locales ne doit pas devenir ignorance. Les Eglises, sous la pression du temps sont enclines à brader les contenus dogmatiques alors qu'elles ne vivent pas la même temporalité que le monde. Au contraire, l'unité précipitée serait une perte de crédibilité pour les Eglises. De plus l'unité ne sera pas votre œuvre mais celle de l'Esprit Saint dit le professeur Viorel sur le ton de l'humour.
Dans une période où le ministère pastoral se focalise sur l'efficacité, la visibilité, voire la rentabilité, il est bon, au sens d'une bénédiction, qu'il soit possible de rencontrer gratuitement des collègues d'autres horizons. Dans un temps où l'Europe se dessine sur le plan géopolitique, économique, culturel, une Europe qui transpire dans les professions de nos paroissiens comme de nos étudiants, nous faisons le constat que les Eglises en sont encore à laisser cet enjeu à une poignée de spécialistes.
Avec la diversité de nos visages, nos situations, nos réactions, nos langues cette conférence nous propulsait, pasteurs de paroisse, dans un échange avec des Eglises protestantes majoritaires, ou ultra minoritaires baignés par le poids de leurs histoires et l'état de leur implication actuelle dans la société.
Si nous étions ensemble penchés sur l'histoire récente et ancienne des vaudois, si nous avons attentivement suivis les conférences des professeurs Luz et Viorel, si nous nous étions chaleureusement laissés inviter par l'Eglise vaudoise dans un périple qui nous conduisit jusque au centre de « Agapè », lieu de la réconciliation des peuples, dans lequel notre collègue Corinne Lanoir, nous a introduit… Les rencontres resteront le point d'orgue de cette session. C'est souvent l'implication personnelle qui nous a le plus marquée. L'histoire de Miléna, une jeune collègue italienne dont le courageux ministère est soutenu par son Eglise vaudoise, le visage rayonnant de Claudio qui racontait les vaudois hier et aujourd'hui, Rui et Emanuel du Portugal, Juan, l'espagnol, notre ami transylvanien et Zsombor le roumain, Varis le letton, Meria et Seppo les finlandais. Mais aussi Martin et d'autres venant l'Allemagne, Ingeborg de Norvège… pour n'en citer que quelques uns.
J'entends encore un collègue allemand dire, au moment de la présentation, que cet espace était pour lui le plus important et qu'il s'agissait de lui consacrer autant de temps qu'il serait nécessaire. Même si le poids des traductions en deux ou trois langues alourdissait un peu l'échange, sans doute est-il possible dans l'avenir de davantage mettre en valeur la diversité et la profondeur des expériences représentées. La parole personnelle de chacun et chacune des pasteurs, réfléchissant leur vocation in-situe Un kaléidoscope; des prises de conscience des écarts de nos situations respectives, un réseau d'amitié et de professionnalisme (et les deux ne sont pas incompatibles ..!) qui se tisse en à peine quatre jours.