L’Association des Pasteurs de France (APF).
L’APF est un syndicat professionnel créé en 1920. Elle s’occupe de tout ce qui concerne les intérêts généraux et professionnels de ses membres. Le terme « syndicat » n’implique pas de revendications salariales auprès des Églises « employeurs ». Il s’agit plutôt de l’édification intellectuelle et morale des collègues. Toujours selon les termes des Statuts, l’APF travaille à l’amélioration de la situation des pasteurs. Elle les soutient dans les domaines moral, social, économique et juridique. Cela se traduit par l’écoute fraternelle et l’accompagnement dans la plus grande discrétion de pasteurs qui passent par un moment difficile.
L’Association essaie d’entretenir un « esprit évangélique » auprès des pasteurs. C'est-à-dire, elle ramène l’attention incessamment à l’espérance de la foi elle-même et à la vocation dans laquelle le pasteur puise des forces. Non seulement pour faire face aux difficultés, mais aussi pour construire de façon dynamique son ministère au sein de son Église et dans le monde. Elle cultive la recherche intellectuelle parmi ses membres en valorisant les atouts qui leur sont propres : les richesses de la grande diversité de sensibilités que représente l’ensemble des pasteurs concernés.
L’APF travaille en communion fraternelle avec les Églises membres de la Fédération protestante de France (FPF). Une particularité française fait que l’APF est constituée pour tous les pasteurs au service des Églises, Œuvres et Mouvements affiliés à la FPF. Contrairement aux associations dans d’autres pays, qui regroupent uniquement des pasteurs réformés ou des pasteurs luthériens, l’APF est appelée au service non seulement de ces derniers, mais aussi des baptistes, libristes, salutistes, adventistes, pentecôtistes et d’autres évangéliques. Il s’agit d’une diversité particulièrement intéressante et complexe à la fois… Le siège de l’APF se trouve à la même adresse que celui de la Fédération. Tout un symbole, et c’est aussi pratique.
L’Association publie les Cahiers de l’AFP et les Lettres de l’APF. Les Cahiers paraissent une fois par an. Ils publient les textes des conférences données aux Pastorales nationales de l’APF, des informations qui pourraient être utiles pour les pasteurs, et des nouvelles de l’Association. Les Lettres, quant à elles, paraissent ponctuellement, et en particulier quelques mois avant les Pastorales nationales pour informer les pasteurs sur les thèmes qui seront alors abordés. Quelque deux mille quatre cents pasteurs en activité et à la retraite sont inscrits sur les rôles des Églises membres de la FPF. Ils figurent dans la première section de l’Annuaire de la France protestante. Chacun reçoit les Cahiers et les Lettres par la poste.
L’Association est gouvernée par son Conseil d’administration. Celui-ci est composé d’une quinzaine de membres élus en Assemblée générale, qui se tient pendant la Pastorale nationale annuelle. Celle-ci se déroule en alternance à Paris et en province. Par exemple, en 2009, elle a eu lieu à Sète dans le Midi, et pour 2010 elle est prévue à Paris. Ces rencontres de réflexion et d’édification permettent aux participants de partager leurs préoccupations et leurs espoirs. Les Pastorales mobilisent en moyenne une cinquantaine de collègues luthéro-réformés et évangéliques, représentant les diverses sensibilités théologiques et toutes les régions de l’Hexagone.
Les frais de fonctionnement de l’APF sont couverts en partie par les cotisations des membres. Insuffisantes, elles sont complétées par les intérêts sur quelques placements rendus possibles grâce à des legs. Parmi les projets majeurs réalisés par l’APF, il faut mentionner la Maison de retraite « Le Châtelet », créée en 1964. Située à Meudon en région parisienne, cette œuvre accueille en particulier des pasteurs retraités, leurs veuves, ainsi que d’anciens salariés des Églises et Œuvres protestantes. L’Association des Amis du Châtelet a été créée pour accompagner l’œuvre dans l’esprit de sa fondation.
L’APF est naturellement bien placée pour connaître la situation des pasteurs français. D’emblée, il faut rappeler la grande diversité théologique et ecclésiale dans laquelle les pasteurs concernés par l’APF exercent leur ministère. L’Association a réfléchi pendant les dernières années notamment aux thèmes suivants :
Mutations des pratiques traditionnelles.
Comme dans d’autre pays en Europe , la pratique religieuse a régressé en France depuis les années 1960. L’Église catholique romaine, quant à elle, est frappée de plein fouet. Les messes sont désertées et une grave crise de vocations fait de chaque consécration un événement rare. L’âge moyen des prêtres français se situe entre 65 et 75 ans. En comparaison, les protestants s’en sortent quand même un peu mieux. L’âge moyen des pasteurs se situe entre 40 et 50 ans. Mais les cultes sont cependant dominés par des cheveux gris – particulièrement dans les Églises réformées et luthériennes. Tel jeune qui s’y aventure par hasard, se demande aussitôt où il a bien pu s’égarer… De ce fait, et en un sens, les Églises réformées et luthériennes ne sont plus « multitudinistes ». Les pratiquants font désormais figure de « confessants ». Il faut vouloir pratiquer le culte, contrairement à la pratique socialement contrôlée d’autrefois.
Les Églises baptistes, pentecôtistes et autres évangéliques rassemblent davantage de familles entières. Le nombre de pratiquants augmente chez elles. Ce constat a attiré l’attention des chercheurs Jean-Paul Willaime et Sébastien Fath. Mais il ne faut pas oublier que la marginalité de leur position ultra-minoritaire dans la société française les expose parfois au risque d’être considérées comme des sectes. Notamment l’impopularité du président George Bush fils « born again » a desservi l’image des « evangelicals » dans l’opinion publique. Leur progression paraît particulièrement importante comparée à la régression des pratiques cultuelles dans les Églises réformées et luthériennes. Mais elle n’est pas aussi significative sur le plan démographique global. Par ailleurs, il arrive assez fréquemment que la croissance d’une communauté se produise au détriment d’une autre. Les adhésions sont autant amplifiées que les défections ignorées. Les transitions d’une communauté à l’autre ont pour effet d’empêcher la consolidation des communautés. Elles souffrent aussi d’un manque de cadres formés de haut niveau. Un certain nombre de pasteurs ont été formés dans les Facultés de théologie évangéliques et les Instituts bibliques. Mais la majorité des Églises pentecôtistes et évangéliques sont desservies par des pasteurs autodidactes formés sur le terrain. Plusieurs exercent à côté d’un emploi « laïc », leurs communautés ne disposant pas de moyens financiers suffisants pour rémunérer un pasteur.
Les Églises réformées et luthériennes, quant à elles, ont été amenées à diminuer progressivement le nombre de postes pastoraux. Cela n’a pourtant pas provoqué un chômage pastoral. Au contraire, ce mouvement se double d’une légère baisse de vocations. Plusieurs paroisses ne trouvent pas de pasteur. Par ailleurs, certains postes ne sont pas à pouvoir à court terme à cause de la situation financière. Rappelons qu’à l’exception de l’Alsace et de la Moselle, et des aumôneries, les pasteurs en France sont salariés par les Églises, qui elles-mêmes ne vivent que des dons et collectes de leurs membres. Le déclin de la pratique religieuse a pour conséquence de diminuer les recettes des Églises. Les jeunes générations ne reprennent pas les habitudes des aînés. En fait, elles ignorent l’existence de la pratique de cotiser.
Théoriquement, l’avenir économique des Églises protestantes en France ne paraît donc pas prometteur. Les pasteurs essaient de vivre cette situation sans trop se laisser démoraliser. Ils n’ont pas le droit de faire autrement. Mais ils souffrent quand même de la démobilisation des membres de leurs paroisses. Ils ont parfois du mal à trouver des bénévoles compétents pour les aider à servir leur paroisse. Les membres les plus qualifiés sont déjà surchargés professionnellement, en famille et dans la sphère des loisirs et associative. Ces membres se montrent en même temps de plus en plus exigeants vis-à-vis des pasteurs, ce qui affecte la situation morale de ces derniers.
Les femmes pasteurs.
Les femmes pasteurs représentent environ dix pour cent de l’ensemble des pasteurs exerçant dans les Églises affiliées à la FPF. Il y a une douzaine d’années, l’APF a financé une enquête effectuée par le professeur Jean-Paul Willaime de l’École Pratique des hautes Études à la Sorbonne. Le chercheur en sociologie distingue deux générations de femmes pasteurs. La génération qui a entamé leur ministère pendant les années 1960 et 1970. Elles devaient se faire une place en milieu masculin. Une certaine image de « féministe militante » les a marquées. La seconde génération a entamé le ministère pendant les années 1980 et 1990. Ces collègues paraissent moins militantes. Comme si leur place était acquise désormais. De récentes études ont fait un parallèle entre l’entrée des femmes dans le ministère pastoral et d’autres évolutions dans la nature-même de l’exercice pastoral. La figure du pasteur « prédicateur-docteur » a été remplacée par celle de « l’animateur-écoutant ».
C’est une évolution profonde qui, selon Jean-Paul Willaime, contribue également à banaliser le pastorat. Elle en fait une sorte de « profession sociale à dimension spirituelle ». Le pasteur n’est plus le Maître en doctrine et Gardien de morale. Il est désormais un autre laïc, sans plus. Formé en théologie, il a compétence en matière d’accompagnement. Laïc lui-même, il accompagne les autres laïcs dans leur recherche de sens et leur quête de repères éthiques. Cette évolution coïncide avec l’accession plus nombreuse de femmes au ministère pastoral. Elles arrivent au moment même où le pastorat évolue d’un rôle didactique et autoritaire à un rôle d’écoute et d’accompagnement. Le pastorat se rapproche d’une profession sociale, centrée sur la relation et l’animation. Les femmes pasteurs se sentent particulièrement en affinité avec ces aspects relationnels. Elles ont tendance à minimiser la dimension d’autorité du ministère. Cette façon de voir le pastorat correspondrait aux attentes de nombreux laïcs français à l’égard des pasteurs.
La vie familiale des pasteurs.
La vie familiale des pasteurs français a évolué pendant les dernières décennies. Par exemple, la distinction entre l’exercice du ministère et la vie privée s’est accentuée. Pendant les années 1950 et 1960, c’était comme si la femme du pasteur avait pour titre officieux : « Madame l’Épouse du Pasteur ». Les paroissiens attendaient d’elle une implication importante dans la vie paroissiale. Elle dirigeait les réunions des femmes, elle était monitrice de l’École biblique, elle jouait de l’harmonium, elle recevait à tout moment ceux qui frappaient à la porte du presbytère. Cela a changé depuis les années 1970, surtout dans les Églises réformées et luthériennes. De nombreuses épouses de pasteur d’aujourd’hui sont diplômées elles-mêmes. Dans la plupart des cas, elles ont leur propre emploi à l’extérieur. Cela limite leur capacité de s’investir aux côtés de leur mari dans la paroisse.
L’évolution des mœurs dans la société a contribué à séparer davantage la vie professionnelle de la vie privée. Cette évolution globale a pour conséquence que les paroissiens n’attendent plus autant d’investissement dans la paroisse de la part de l’épouse du pasteur. Par ailleurs, les maris des femmes pasteurs augmentent encore cet effet. Nombre d’entre eux exercent des métiers de statut relativement élevé. Le salaire des épouses-pasteurs ne constitue qu’un revenu d’appoint. Ces conditions particulières se conjuguent avec l’évolution sociale globale. Les articulations entre vie professionnelle et vie privée ont changé. Les familles pastorales vivent désormais distinctement par rapport aux paroisses. Et elles sont plus exigeantes quant à leur vie privée et aux conditions de leur existence familiale. Ce ne sont plus les conjoints, mais les pasteurs eux-mêmes qui reçoivent. L’accueil n’est plus instantané, mais sur rendez-vous. Le conjoint du pasteur participe peu à la vie paroissiale, et, à l’exception de ce qui se passe encore chez les pentecôtistes et évangéliques, leurs enfants ne fréquentent que rarement les cultes dominicaux.
Les pasteurs et la législation.
L’APF s’est également penchée sur l’articulation entre deux lois fondamentales dans la législation française. La Loi de 1901 régit les associations culturelles et celle de 1905 les Églises. Les pasteurs exercent dans la sphère de la Loi de 1905. Mais les Églises ne peuvent pas recevoir des subventions. Elles ont créé des œuvres sociales, sanitaires, éducatives et culturelles, dont les services dépassent les limites des Églises. L’étendue de ces œuvres justifie l’obtention de subventions, mais la Loi l’empêche. C’est pourquoi la plupart des œuvres diaconales des Églises ont été constituées en associations socioculturelles selon la Loi de 1901. L’articulation juridique et morale entre Églises et Œuvres est assurée par les personnes qui sont membres des deux organismes. Les pasteurs y jouent souvent un rôle clef. Un certain nombre de collègues détachés sont même employés à plein temps dans les Œuvres, comme directeur ou animateur. La plupart des pasteurs de paroisse sont aussi impliqués parallèlement dans une ou plusieurs associations non-ecclésiales. Comment gérer son temps et son énergie entre la paroisse et ces services, nécessaires l’un comme l’autre et tellement honorables ? Ce genre de situations provoque parfois un manque, ressenti, de disponibilité en paroisse, et par cela une tension vécue péniblement par le pasteur, déchiré entre ses divers engagements.
L’exercice du ministère.
Il est donc logique que l’APF réfléchisse sur la question de l’exercice du ministère. Elle s’est interrogée sur l’articulation entre le travail strictement paroissial et les autres sollicitations adressées aux pasteurs. On mesure combien les Églises réformées ont évolué depuis un siècle. Quittant leur penchant congrégationaliste d’autrefois, elles accentuent depuis quelques dizaines d’années leur dimension synodale. Les pasteurs sont davantage confrontés aux exigences croissantes des institutions ecclésiales. Consistoires, commissions, comités et autres structures demandent davantage de leur temps et énergie.
Pendant le même siècle, l’œcuménisme a connu une évolution considérable. Les pasteurs sont sollicités pour des réunions à tous les niveaux avec des catholiques, orthodoxes et anglicans. A cela s’ajoutent les relations entre les Églises protestantes elles-mêmes. Au sein de la FPF, il est normal de cultiver des relations rapprochées entre réformés, luthériens, baptistes, libristes, autres évangéliques, pentecôtistes, salutistes, aumôneries… Tous sont appelés à se rencontrer, à apprendre à mieux se connaître, et à collaborer davantage. Par ailleurs, le domaine interreligieux, de son côté, se développe par la croissance des minorités musulmane et asiatique en France. Les pasteurs doivent participer, là aussi, aux diverses sortes de rencontres. Ils sont censés maîtriser toutes ces matières : connaître et dialoguer avec les autres dénominations protestantes, les catholiques, les musulmans, les bouddhistes, les athées…. L’agenda est rempli et les dossiers s’empilent sur la table de travail du pasteur. C’est parfois stressant pour certains…
La société civile sollicite les pasteurs. Dans les domaines de plus en plus complexes culturel , social, éducatif, éthique et sanitaire, leur contribution active est la bienvenue. La croissance de ces sollicitations et demandes conduit le pasteur à exercer une partie de son métier bien au-delà des limites propres de la communauté paroissiale dont il a la charge. D’autres mutations s’ajoutent encore à ce tableau. Paradoxalement, à la lumière de ce qui est constaté plus haut, le statut social du pasteur ne fait plus de lui la figure de « notable » d’autrefois. Malgré la diversité de disciplines dans laquelle on l’attend à un niveau d’excellence, il est devenu en même temps « une sorte de travailleur social à dimension religieuse » ou un « banal enseignant » dans un secteur professionnel qui paraît parfois fort ingrat.
La situation morale des pasteurs.
L’APF n’a pas consacré un temps de réflexion spécifique sur le moral des collègues. Mais cette problématique est récurrente dans ses préoccupations. Par ailleurs, elle est sous-jacente aux thèmes qui ont été abordés récemment. Les champs respectifs de la spiritualité du pasteur et de la communion entre les pasteurs la touchent directement. Ces incursions ont fait paraître la fragilité que vivent bien des collègues. Cette fragilité est une conséquence de la solitude. Les travaux sur la spiritualité ont mis à jour une tendance chez les pasteurs à accompagner les autres sans être accompagnés eux-mêmes. Il leur est plus facile d’être pasteur pour les autres que d’avoir eux-mêmes un pasteur. Il est vivement recommandé que chaque pasteur ait un confident, un référent, quelqu’un ayant un rôle d’écoute - de préférence non-institutionnel. Un tel lieu gratuit de « confession » devrait avoir un effet thérapeutique. Il servirait comme une échappatoire aux frustrations, à l’angoisse et au stress.
Le thème sur la communion touche aussi cette problématique. Car le pasteur vit son ministère dans la communion ecclésiale et collégiale. Devant cette évidence, la tendance à préférer une certaine solitude dans l’exercice du ministère pastoral paraît paradoxale. Cette tendance s’explique bien sûr par plusieurs causes. Elle est en partie héritée d’une génération de pasteurs habitués à assumer leur charge de façon autonome. Elle est influencée par les diverses évolutions dans le domaine de la psychologie sociale. La formation initiale en faculté de théologie forge une approche plus individuelle que collective du travail. Mais le pasteur n’est pas seul dans son métier. Pourtant, il est au fond un solitaire. Quand des difficultés l’assaillent simultanément de plusieurs côtés, il se trouve alors seul face à elles, sans soutien psychique, moral ou spirituel. On imagine que certaines souffrances auraient pu être évitées, ou diminuées, si tel collègue avait pu s’appuyer à temps sur un soutien personnel en adéquation avec sa manière d’être et de faire.
L’APF et les jeunes pasteurs.
A la lumière des objectifs initiaux, de son histoire et du contexte actuel, il est évident que l’APF reste toujours à réinventer. Sa vocation première n’est pas d’assurer une gestion matérielle. Mais sa tâche ne se réduit pas non plus à des réflexions théoriques, même si celles-ci sont très utiles, voire nécessaires. Elle a aussi à agir concrètement et de façon pertinente dans le domaine des préoccupations réelles des pasteurs. Contrairement aux apparences établies, l’APF n’est pas un club exclusif de pasteurs retraités et des collègues issus du baby-boom. Sa responsabilité s’étend à toutes les générations de pasteurs. Elle a le devoir de veiller attentivement à la solidarité entre tous les catégories d’âge. Les jeunes pasteurs en font partie.
La génération des jeunes collègues et l’APF ont tout intérêt à se découvrir réciproquement. L’APF ne bénéficie pas d’une visibilité attrayante auprès des jeunes. Pourtant, ces derniers apprécieront positivement une association professionnelle qui répond à leurs attentes. Par exemple, dans les rapports de force, ils préfèrent les concertations pragmatiques aux confrontations idéologiques. En rupture avec la mentalité idéologique de leurs aînés, ils manifestent une mentalité consumériste - au sens non-péjoratif du terme. De ce fait, ils cherchent des opérations ponctuelles et ciblées, discrètes et pertinentes. Ils demandent des aides précises et efficaces. L’APF doit s’occuper des questions que se posent les jeunes pasteurs. A ce propos, l’âge moyen des membres du conseil d’administration est encore trop élevé par rapport à l’âge moyen de l’ensemble des pasteurs.
Les jeunes pasteurs souhaitent pouvoir faire appel à un service qui répond à leurs besoins. Revient-il donc à l’APF d’inventer un service individuel d’assistance ? Un tel service justifiera à leurs yeux l’existence de l’APF. Et serait-il propice d’imaginer une instance de concertation entre les institutions qui « embauchent » les pasteurs et les associations professionnelles qui les représentent ? Les mêmes questions se posent à tous. Par exemple, selon des pronostics démographiques et économiques plausibles, les pasteurs resteront plus longtemps en activité et partiront plus tard à la retraite. Ils travailleront jusqu’à un âge supérieur aux 66 ans actuels. Le nombre de postes continuera à diminuer pendant que les vocations stagnent. Quel sera l’effet de ces évolutions sur la place et le rôle des pasteurs ? La raréfaction des vocations et l’allongement de la durée de travail affaibliront-ils ou renforceront-t-ils leur position ? Sans doute les deux.
En conclusion…
Malgré toutes les difficultés auxquelles ils doivent faire face, les pasteurs français ne sont pas malheureux de leur sort. En général, ils ne sont pas vraiment mécontents de leurs conditions de travail. Parce qu’au fond d’eux-mêmes, ils sont heureux dans la réalisation de leur vocation à travers l’exercice de leur ministère. Ils apprécient sincèrement les efforts moraux, financiers et matériels déployés par les membres de leurs Églises pour rendre possible tant bien que mal leur service et pour soutenir leurs familles. Les pasteurs aiment leur métier et l’exercent avec une joie non démunie d’épanouissement spirituel et personnel. Ils sont reconnaissants envers Dieu qui les a appelés et envers les institutions qui les emploient. Et malgré l’agenda chargé, ils vivent finalement comme une chance de pouvoir rencontrer, grâce à leur métier, des personnes très diverses de façon souvent très intéressante.
Les pasteurs français vivent, bon gré mal gré, une permanente mutation, du « semper reformanda ». Ils se trouvent naturellement au carrefour des évolutions sociales et religieuses. De ce fait, ils naviguent entre les réalités locales et les exigences institutionnelles, entre la spiritualité théologique et le service concret dans le monde, entre l’immuable du contenu et la constante adaptation du contenant…
Evert Veldhuizen