PAASILINNA Arto : Le Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen.
Roman traduit du finnois par Anne COLLIN DE TERRAIL. Paris, Editions Denoël, 2007, 310 p, 20 €.
Présenté par Evert VELDHUIZEN.
Délicieux roman dont la trame narrative rappelle celle de Peer Gynt d’Henrik Ibsen, traduit à la plume fluide et légère, Le Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen offre un dépaysement rafraîchissant aux lecteurs ennuyés ou pas par un profil pastoral dit classique paraissant plutôt gris et trop sage.
Car « notre confrère » finlandais, tout en étant irrésistiblement attachant, n’est pas pour autant un modèle pastoral et théologique à suivre ! Ses doutes n’enrichissent pas sa foi - au moins c’est ce qu’il pense. Sa foi fervente de jeune pasteur a vieillie avec lui et maintenant il est convaincu qu’une intelligence originelle se cache dans le lointain espace. Pour lui rendre selon les saveurs de son discours, ses paroissiens lui offrent un bébé-ours.
Ce « Bestial Serviteur » déclenche un processus d’aliénation comique et dramatique à la fois, suivi d’une odyssée à partir de ce coin reculé de la Finlande par les bords de la Mer Blanche dans l’Arctique jusqu’à ceux de la Mer Noir, puis à travers les chaleurs estivales de la Méditerrané et passant par un naufrage au large de Southampton jusqu’au retour dans le lointain septentrion lapon. Tout au long de ce périple, Oskar Huuskonen réfléchit en termes peu orthodoxes pour un pasteur et à l’instar de Peer Gynt, ses aventures ne semblent pas très recommandables aux pieux guetteurs de sens chrétien, et pourtant…
Et pourtant, ce vieux et vigoureux pasteur luthérien mis en congé après avoir brulé tous les ponts derrière lui par ses déboires vit à travers les étapes qui jalonnent son périple plus que des événements romanesques, aussi il retraverse par les mêmes occasions divers aspects d’une réalité théologique qu’il pense pourtant avoir affranchie…
L’ours domestique quand à lui apprend aussi bien de faire des gestes liturgiques que de monter des spectacles burlesques propices aux boîtes de nuit. La relation conjugale avec la « pastoresse » fait naufrage sur celle du pasteur avec son ours tandis que d’autres femmes s’attachent au duo clownesque. Une veuve leur prête la cour de sa ferme pour y faire construire la tanière dans laquelle l’ours nommé « Belzéb » passe son premier hiver. L’arrivée d’une jeune et charmante éthologiste désireuse d’étudier l’animal tout au long de son hibernation a de suites morales pour le moins douteuses…
Par ailleurs, le pasteur Huuskonen s’adonne à une activité sportive inédite qui faillit couter la vie de son évêque… Finalement « libéré » de ses charges pastorales, il entame son parcours de pèlerin avec son ours tout en ignorant son destin pourtant incontournable... Le duo qui fait penser aux personnages felliniens de La Strada est rejoint depuis les bords de la Mer Blanche par une russe prénommée Tania jusqu’à l’escale sur l’île de Malte. L’odyssée quand à lui ne s’achève que lorsque la boucle sera refermée…
Mais puisqu’il ne faut jamais dévoiler la sève ni l’issu d’un roman avant l’heure, il reste qu’une chose à recommander : c’est de déguster pour soi-même les plaisirs procurés par les aventures extraordinaires de ce « confrère » imaginaire mais pas si irréel que ça !
Association des pasteurs de France